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12 mai 2021 3 12 /05 /mai /2021 13:53

https://www.seneplus.com/opinions/un-genie-des-jeux-de-lesprit

Si les Sénégalais se souviennent très bien des épopées des Lions du basket ou du foot, ils ne retracent que très peu les parties folles de jeu de dames remportées par cet homme contre les plus grands champions de son époque

Lorsque l’on évoque les exploits des Sénégalais dans le monde, on oublie souvent de retracer ceux de Baba Sy, Grand Maître International, Champion du monde de jeux de dames à qui la Russie a tenté de refuser ce titre en annulant la partie qui devait l’opposer au champion russe Iser Kuperman. Si nos compatriotes se souviennent très bien des épopées des Lions du basket ou du foot, ils ne retracent que très peu les parties folles de jeu de dames remportées par Baba Sy contre les plus grands champions de son époque, en majorité Russes, Hollandais, Belges…

Baba Sy, né en 1935 dans un village reculé de notre pays, était l’un des champions de jeux de l’esprit les plus brillants de l’Histoire. Et, pourtant, paradoxalement, ce génie n’a jamais été à l’école française. Certes, il a fréquenté l’école coranique et ses maîtres ont reconnu qu’il avait une mémoire fabuleuse qui lui permettait de retenir des chiffres compliqués ou de créer des combinaisons improbables. Mais c’est seulement vers ses quinze ans qu’il a commencé à apprendre et à lire en français. Et c’est en 1959, à l’âge de 23 ans, que son talent a été découvert par un Français, un certain Émile Biscons, fonctionnaire colonial affecté à Dakar et qui pratiquait le jeu de dames en dilettante.

A l’époque, la ville de Dakar comptait beaucoup de «grand’places » et c’est là, alors qu’il faisait une promenade en regardant jouer les amateurs, que le Français découvre un jeune homme qui enchaînait victoire sur victoire contre des joueurs qui étaient pourtant talentueux. Biscons veut le tester et le fait inscrire au championnat de France de jeux de dames. En 1959 le Sénégal n’était pas encore indépendant et, dès sa première participation à cette compétition qui se déroulait en métropole, Baba Sy gagne tout, élimine tous ses adversaires et devient… champion de France ! C’était la première fois que les Européens rencontraient un damiste originaire d’Afrique et qui leur donnait la piquette à chaque fois. Il faut dire que Baba Sy a connu les jeux de dames alors qu’il n’avait encore que huit ans. Il suivait les parties que jouaient ses oncles et les amis de son père et rangeait les pions lorsque ces derniers avaient fini de jouer.

Et, un beau jour, alors qu’il était en train de ranger les pions, un de ses «oncles» lui propose de jouer une partie. Il lui répond qu’il ne savait pas jouer même s’il a regardé quelques parties. Son interlocuteur lui propose alors de lui apprendre. Surprise, dès la première partie, le jeune Baba Sy, huit ans, bat cet oncle ! Ils jouent plusieurs fois et le jeune garçon sort toujours victorieux. Aussi le monsieur croit que Baba Sy lui ment car il était certainement un champion caché qui ne voulait pas se dévoiler.

Pourtant, c’était vrai, Baba Sy venait de jouer sa première partie de jeu de dames. Après donc avoir participé au championnat français et battu tous ses adversaires, il est invité dans des tournois internationaux où il fait exploser son talent. Et il devient vice-champion du monde dès 1960 en terminant juste derrière le Soviétique Viatcheslav Chtchogoliev qui remportait à cette occasion son premier titre.

« Le Coup de Rafaël »…

Le titre de champion du monde de dames se joue alors (entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1970) sur le rythme de tournois auxquels prennent part de nombreux joueurs et le vainqueur du tournoi devient (ou reste) champion du monde. Le tournoi est intercalé de deux championnats du monde sous forme de match entre deux joueurs, le champion en titre et son challenger. Le championnat du monde 1960 était donc une compétition sous forme de tournoi. En 1961, lors d’un match, Viatcheslav Chtchogoliev perd son titre face à son compatriote Iser Kuperman. Après ce match, Baba Sy remporte le Challenge mondial à Liège et doit alors, comme challenger, affronter le champion du monde Iser Kuperman lors d’un match que doit organiser la fédération soviétique en 1963. Ce match sera annulé. Puis en 1964, il ne termine que troisième (derrière Chtchogoliev, vainqueur, et Kuperman) du championnat du monde suivant. Mais il avait des problèmes de santé car il était souvent sujet à des hausses de tension qui le contraignaient quelques fois à abandonner une partie. Cependant son génie était si reconnu, surtout en parties simultanées, qu’il était encore toujours invité pour des galas de jeux de dames auxquels participaient même certains de ses rivaux aux championnats du monde. Lors d’une partie simultanée, Baba Sy a battu 150 adversaires alignés sur des tables qu’il parcourait quasiment seconde après seconde ! Une performance au cours de laquelle il réalise l’un des coups les plus fabuleux en jeu de dames, le « Coup de Rafaël ». Ce fameux coup a même fait l’objet d’un livre produit par un ancien grand maître, spécialiste des jeux de dames qui était particulièrement impressionné par le jeu très inspiré de Baba Sy. Baba Sy est mort accidentellement le 20 août 1978 vers Mbour alors qu’il se rendait à Kaolack, sa ville d’adoption. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’au Sénégal, il rencontrait ses adversaires les plus redoutables en jeu de dames comme le vieux Eumeuth Sow, exchef d’arrondissement, qu’il n’a pas réussi à battre toute une journée durant. Et c’est aussi à Kaolack qu’il a livré une partie difficile avec un certain Ndiaye Diouf qui n’était autre que le père de… l’ancien président de la République Abdou Diouf. Lorsqu’il jouait en public, Baba Sy attirait une foule immense et, à chacun de ses coups de maître, la foule l’acclamait comme les amateurs du football sautent de joie quand leur équipe marque un but. Comment peut-on oublier un tel champion parce qu’il n’est ni footballeur ni basketteur ? Les jeux de l’esprit, c’est aussi du sport ! Un sport cérébral, qui plus est, n’en déplaise aux adeptes des gros biceps.

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